Richard Long, 'Along The Way', Fondation CAB

La Fondation CAB (Contemporary Art Brussels) offre à Richard Long sa première exposition personnelle en Belgique depuis quarante ans. Along the Way (“Le long du chemin”) nous fait pénétrer de plain-pied dans l’univers minéral et épuré du sculpteur britannique et nous invite à aller à la rencontre des empreintes qu’il laisse derrière lui. 

Richard Long, Along The Way, vue d’exposition, Fondation CAB. Image courtesy: Fondation CAB

Richard Long, Flint Cross, 2012, courtesy l’artiste et Fondation CAB

Richard Long, Flint Cross, 2012, courtesy l’artiste et Fondation CAB

Richard Long nait en Angleterre en 1945. Il est sculpteur certes mais aussi photographe et peintre. Avec son compatriote Andy Goldsworthy et les américains Michael Heizer, Walter de Maria et Robert Smithson pour ne citer qu’eux, il est l’une des figures majeures du Land Art, le courant artistique né de la volonté des artistes de s’émanciper du cadre institutionnel ou marchand des musées et des galeries.

Depuis la fin des années 60, Richard Long sculpte des œuvres qui documentent les longues marches qu’il fait dans les régions rurales de sa Grande-Bretagne natale et dans les régions reculées de la planète.  

Au cours de ses marches, il crée in situ des sculptures éphémères en pierre, en bois ou en boue qu’il arrange de manière géométrique et qu’il photographie. Certaines de ses sculptures sont destinées à être exposées. Elles peuvent être recréées dans différents endroits. Leur pérennité s’oppose au devenir aléatoire des œuvres in situ mais les deux approches se complètent et les sculptures exposées témoignent à leur manière des voyages et des expériences de l’artiste. En effet, si la nature demeure le “lieu d’exposition” primaire de son œuvre, en rapportant et en disposant à même le sol les matériaux naturels collectés au cours de ses marches, Richard Long fait pénétrer la nature dans les musées et les galeries et questionne le rapport de l’œuvre au site et du site à l’œuvre tout en s'interrogeant sur la place de l'artiste dans la nature.

Les matériaux naturels qu’il livre à notre regard portent la trace du lieu de leur provenance et l’œuvre du plasticien devient ainsi autobiographique. En extérieur, Richard Long travaille toujours sans intervention mécanique et utilise les pierres telles qu’il les trouve. Les matériaux avec lesquels il réalise ses sculptures en intérieur proviennent quant à eux le plus souvent de carrières locales. Les sculptures présentées dans le cadre de l’exposition de la Fondation CAB sont en pierres calcaires blanches et brunes, en silex et en grès.

Richard Long, Along the Way, 2018, Flint stones, courtesy l’artiste et Fondation CAB

Richard Long, Along the Way, 2018, Flint stones, courtesy l’artiste et Fondation CAB

Quatre sculptures géométriques accueillent d’entrée de jeu le visiteur dans l’espace central. Along the Way, la sculpture circulaire composée de pierres calcaires blanches qui donne son nom à la rétrospective, a été commanditée par la fondation et réalisée in situ par l’artiste. Placés à même le sol de béton, les éléments trouvés “le long du chemin” sont agencés en des figures géométriques simples: un cercle, une ligne, une croix et un triangle. Les sculptures qui jonchent le sol invitent le visiteur à réfléchir et à poser un regard neuf sur la dynamique que génère l’installation de matières minérales dans un espace créé par l’homme.

Chacune des pierres qui compose les sculptures est assez petite dans la mesure où, comme le déclare Richard Long son “travail dépend de ce que je suis capable de soulever avec mes mains”. Chaque pierre lui remémore son voyage et porte l’empreinte qu’il a laissée dans le paysage.

Se revendiquant avant tout sculpteur, Richard Long évolue dans un espace quantifiable: cartes, photographies, légendes et mesures topographiques documentent le lieu, l’année et la durée de la marche. La description détaillées de son expérience fait partie intégrante de sa pratique artistique. Ses Text Works présentent les indices d’une œuvre plutôt que l’œuvre elle-même.

Deux dessins d’empreintes palmaires inspirés des peintures tribales Warli (une tribu du nord de l’Inde) sont accrochés sur les murs de l’exposition. Ces dessins ont été réalisés à la main avec la boue du fleuve Avon. Une vidéo peut être visionnée dans l’espace de projection et permet au visiteur d’approfondir, si le cœur lui en dit et si le temps le lui permet, le travail de l’artiste.

Comme les installations éphémères doivent être archivées pour pouvoir perdurer dans le temps, un présentoir installé à l’entrée met en évidence catalogues d’expositions, invitations, brochures... et permet, à l’instar des affiches d’expositions passées qui ornent les murs, de découvrir les différentes facettes du travail de Richard Long au fil des années.

Une visite à la Fondation CAB s’impose. L’architecture de style Art Deco des anciens entrepôts à charbon vaut en soi le détour. Along the way permet de comprendre comment, en utilisant des matériaux qu’il récupère dans la nature, Richard Long donne à son œuvre une “ligne” directrice et parvient à établir un lien entre nature et culture. En guise de conclusion, je me contenterai de citer Hubert Bonnet, le directeur de la Fondation CAB, “Richard Long incarne tout ce qui est remarquable et attractif dans l’art contemporain : il est radical, acharné et poétique”.



Richard Long, ‘Along The Way’, Fondation CAB, 32-34 rue Borrens, B-1050, Bruxelles, Belgique. Jusqu’au 27 octobre 2018. Ouvert du mercredi au samedi (14-18h), entrée gratuite.

Copyright © 2018, Zoé Schreiber