Gabriel Orozco

Gabriel Orozco, The Oxxo Project, kurimanzutto, 2017

« Faire ses courses, c’est bien plus que la simple satisfaction des besoins quotidiens: c'est un rituel important de la vie publique et communautaire, par lequel l'identité se crée et se modifie. » — Max Hollein

Mobilité et déplacement sont au coeur de la pratique pluridisciplinaire du plasticien mexicain Gabriel Orozco (1962-). L’art peut selon lui être partout. Dans The Oxxo Project (2017), il interroge la notion de valeur tant dans le monde de l’art qu’au-delà. Il transforme l’espace de sa galerie à Mexico en supermarché fonctionnel et appose sur certains produits, tel un logo, sa “marque de fabrique” (motifs circulaires colorés). Il invite ainsi le spectateur à s’interroger sur le comment et le pourquoi un objet ordinaire devient une œuvre d’art. Sans atelier fixe, il s’inspire de la rue et de l’espace public des différents pays où il séjourne. Artiste touche-à-tout, il détourne des matériaux à priori insignifiants pour nous faire voir le réel autrement... « Je suis en changement constant, comme un débutant. Ma démarche repose sur l’accident, l’improvisation et la décision immédiate. »


Copyright © 2023, Zoé Schreiber

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March 18, 2023 / Zoé Schreiber

 


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Gabriel Orozco

Gabriel Orozco, Four Bicycles (There is Always One Direction), bicycles, 198.1x223.5x223.5 cm, 1994

Gabriel Orozco, Four Bicycles (There is Always One Direction), bicycles, 198.1x223.5x223.5 cm, 1994

La sculpture de Gabriel Orozco met en vedette un accessoire aujourd’hui incontournable. Les quatre bicyclettes comme quatre points cardinaux traduisent mouvement et dynamisme... La “petite reine” va-t-elle bientôt imposer sa loi dans les rues de nos villes? Allons-nous bientôt tous être les reines et rois du déplacement à deux roues?

Mobilité et déplacement sont au coeur de la pratique pluridisciplinaire du plasticien mexicain Gabriel Orozco (1962-). Sans atelier fixe, il s’inspire de la rue et de l’espace public des différents pays où il séjourne. L’art peut selon lui être partout et il invite le spectateur à s’interroger sur le comment et le pourquoi un objet ordinaire devient une œuvre d’art. Amateur de sport, il réactive par le biais de figures géométriques le mouvement du sportif et, avec sa sphère en plasticine qu’il pousse devant lui avec ses pieds, archive ses promenades. Artiste touche-à-tout, il s’approprie et détourne des matériaux insignifiants pour nous faire voir le réel autrement... ”Je suis en changement constant, comme un débutant. Ma démarche repose sur l’accident, l’improvisation et la décision immédiate.”

Copyright © 2020, Zoé Schreiber

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'Love.Hate.Debate. Start a Conversation with the ING collection', ING Art Center

Daniel Buren, 1 Element, 1991

Daniel Buren, 1 Element, 1991

Qu’est-ce qu’une collection? Comment la montrer? Comment réduire la distance entre l’œuvre et le spectateur? Comment décomplexer le public face à l’art contemporain? Comment aider le visiteur à s’approprier ce qu’il voit? Comment éveiller sa curiosité? Love. Hate. Debate. Start a conversation with the ING Collection se donne pour mission de relever le défi posé par cette liste de questions, liste indicative certes mais loin d’être exhaustive.

La collection ING voit le jour au début des années 60 sous l’impulsion du baron Léon Lambert (le président et administrateur jusqu’en 1987 de la Banque Bruxelles Lambert, qui deviendra en 1998 la banque ING) et se calque sur le modèle de la collection de la Chase Manhattan Bank, initiée en 1959 à New York par David Rockefeller. Grand collectionneur d’art à titre personnel, le baron Lambert a toujours voulu partager son appétence artistique avec ses employés et avec les clients de la banque et montrer “combien étroitement les affaires et l’art peuvent être associés”. Aujourd’hui, riche de plus de 2500 œuvres, la collection ING belge est une collection vivante qui ne cesse de s’agrandir et qui ne se cantonne pas à une époque, à une zone géographique ou à un médium en particulier.

L’exposition Love. Hate. Debate. Start a conversation with the ING Collection rassemble une soixantaine d’oeuvres issues de la collection de la banque. Réunies pour la toute première fois dans une exposition dédiée, les oeuvres présentées quittent ainsi temporairement le bâtiment moderniste de l’avenue Marnix (le siège bruxellois de l’institution financière conçu dans les années 60 par l’architecte américain Gordon Bunshaft) pour investir les cimaises de l’ING Art Center.

Gabriel Orozco, Atomist: Double Stump, 1996

Gabriel Orozco, Atomist: Double Stump, 1996

D’entrée de jeu, Michelangelo Pistoletto convie le spectateur dans son tableau-miroir et le renvoie à sa propre image. Le tableau côtoie une composition de vignettes en noir et blanc où le duo d’artistes britanniques Gilbert and George se met en scène dans un appartement délabré et une colonne d’Arnaldo Pomodoro... Le regard se promène et on ne peut que se rendre à l’évidence: le parcours s’annonce surprenant...

Si d’aucuns seront décontenancés par l’absence de réel fil conducteur, la banderole déployée à l’entrée se veut rassurante: “Ceci n’est pas une exposition. Et vous n’êtes pas un simple visiteur, ... ceci est un lieu dédié à l’art, qui n’existe que par vos yeux. Ceci est un lieu ouvert au débat, qui n’existe que par votre voix.” L’accent est mis sur la place du ressenti dans la “rencontre” avec une oeuvre d’art et la visite s’articule plutôt autour de rapprochements formels et thématiques. Le visiteur est encouragé à donner libre cours à sa curiosité et à laisser ses pas le guider. S’il n’y a pas de parcours linéaire, chaque œuvre est légendée par son cartel qui ne se contente pas de détailler la démarche de l’artiste mais qui soulève chaque fois une question pour inviter le visiteur à s’interroger sur ce qu’il voit. 

“Êtes-vous prêt à accueillir l’inattendu?”, “Peut-on saisir la vie telle qu’elle se vit?”, “réalité ou illusion?”, “l’art est-il une question de création ou de transformation?”, “l’art se cache-t-il dans la banalité ou l’art est-il précisément aussi banal que la vie quotidienne elle-même?” voici quelques-unes des interrogations soulevées par les oeuvres présentées.

Au coeur de l’exposition, l’installation vidéo de Pierre Bismuth rappelle que les premiers “bénéficiaires” de la collection sont les salariés de l’entreprise. “Un des enjeux de la mise en valeur de la collection ING au sein du siège de la banque à Bruxelles a été de réfléchir à la relation très particulière entre les employés et les oeuvres. Comment valoriser la collection auprès d’un public à la fois en contact quotidien avec les oeuvres sans pourtant avoir choisi de s’y intéresser?” explique l’artiste. Il a attribué de façon aléatoire aux participants à son projet interactif Coll/nnection (2014) une oeuvre d’art de la collection et les a interrogés sur comment leurs “premières impressions” de ladite oeuvre ont évolué au fil du temps. Leurs témoignages nous éclairent non seulement sur la valorisation de l’art contemporain dans l’entreprise mais aussi sur comment côtoyer des oeuvres d’art au quotidien améliore le cadre de vie et de travail.

Nombreux et variés sont les artistes exposés et je me contenterai d'en mentionner certains… Des œuvres d’artistes “historiques” tels Constantin Permeke, Henri Moore, Marcel Broodthaers et Piet Mondrian pour ne citer qu’eux, sont juxtaposées à celles des artistes Robert Rauschenberg ou de John Baldessari, dont on a appris la disparition en ce début d’année.

Une sculpture d’un homme atomisé de Anthony Gormley dialogue avec des photographies de Thomas Ruff et d’Andreas Gursky. Rosemarie Trockel, Allan McCollum ou encore Mona Hatoum tiennent compagnie aux plasticiens belges, Pierre Alechinsky, Michel François et Ann Veronica Janssens. 

L’installation-photo murale de Christian Boltanski questionne ce qui différencie criminels et gens ordinaires. L’artiste français, dont la rétrospective est à découvrir en ce moment au Centre Pompidou à Paris, rassemble des clichés amateurs tirés d’un album photo datant de la seconde guerre mondiale. Ces instants volés à première vue banals et anodins (repas en famille, anniversaires...) cachent une histoire plus sombre quand on apprend que les hommes et femmes photographiés sont des soldats de la Wehrmacht et des officiers de la SS…

Changement d’atmosphère au sous-sol… Les salles plongées dans l’obscurité accueillent des installations sculpturales, sonores et vidéo. Dans son court-métrage intitulé Profitability (2017) filmé dans une agence ING de Gand, Ariane Loze fait une satire du monde du travail et du jargon de l’entreprise. L’artiste se dédouble et se glisse dans la peau des divers personnages qu’elle incarne et parodie les valeurs de performance et de rentabilité et les rituels (réunions, présentations…) associés au domaine professionnel. Dans le couloir étriqué qui enveloppe l’ancienne salle des coffres, un panneau en feuille d’or de Cadine Navarro interroge la notion même de valeur. L’accrochage soulève également l’épineuse et très actuelle question du statut de l’auteur: peut-on dissocier l’artiste de son oeuvre? Signé du photographe américain Nicholas Nixon, accusé en 2018 de harcèlement sexuel, la série de photos The Brown Sisters documente le passage du temps et dresse le portrait d’une fratrie sur 45 ans…

Les conversations que l’exposition Love.Hate.Debate. inspire démontrent si besoin est, que l’art permet non seulement une expérience de la beauté mais constitue aussi un tremplin vers d’autres thématiques, un horizon vers d’autres façons de voir le monde qui nous entoure. L’expérience est par essence éphémère et ne dure que le temps de la visite mais elle est mémorable dans la mesure où elle nous invite à repenser notre rapport à l’œuvre d’art.


Love. Hate. Debate. Start a conversation with the ING Collection
, ING Art Center, Place Royale 6, 1000 Bruxelles, Belgique.

Jusqu’au 15 mars 2020.

Copyright © 2020, Zoé Schreiber


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May 19, 2020 / Zoé Schreiber