George Shaw, 'The Lost of England', Galerie Maruani Mercier

Les toiles et la sélection de dessins de George Shaw que présente la galerie Maruani Mercier, racontent avec réalisme et précision la spécificité anglaise des paysages post-industriels de Tile Hill, une banlieue ouvrière de Coventry. L'artiste britannique, nominé pour le prestigieux Turner Prize en 2011, promène son regard le long des rues et ruelles des lotissements de logements sociaux qui l'ont vu grandir dans les années 70 et traduit avec une certaine nostalgie l'atmosphère qui a bercé son enfance. L'exposition intitulée The Lost of England ("Les laissés-pour-compte de l'Angleterre") fait référence au Brexit et propose une réflexion sur le souvenir et sur le temps qui passe. 

George Shaw, The Lost of England, Galerie Maruani Mercier, vue d'exposition. Image courtesy Galerie Maruani Mercier

George Shaw, The Lost of England, Galerie Maruani Mercier, vue d'exposition. Image courtesy Galerie Maruani Mercier

Les tableaux sont réalisés à l'émail Humbrol, une peinture prisée par les maquettistes et dont quelques pots sont alignés sur le comptoir à l'entrée de la galerie. D'une minutie extrême, les toiles ont une brillance qui rappelle celle des tirages photos sur papier glacé et le rendu des couleurs est à la fois riche et intense. 

L'accrochage déroule, façon "travelling" cinématographique, des paysages urbains sinistrés voir délabrés. Bien que la démarche de l'artiste s'apparente à celle des cinéastes du "Kitchen Sink," (un genre socio-naturaliste des années 50-60 qui décrit le désenchantement et les frustrations des classes laborieuses), on a le sentiment que George Shaw a pris un réel plaisir à reproduire, en s'inspirant de la centaine de clichés qu'il photographie lors de chacune de ses promenades, les ruelles désertes, les rangées de garages, les terrains de foot abandonnés, les parcs jonchés de détritus... Jamais explicite, la présence humaine se devine en filigrane: un ballon abandonné, l'ombre projetée d'une silhouette, une antenne parabolique, des graffitis sur des façades ou encore des feuilles mortes piétinées.

Le temps paraît figé sous son pinceau et un air de mystère plane sur l'apparente banalité des sujets et des lieux qu'il immortalise. Une peinture particulièrement énigmatique que je vous invite à aller découvrir sur place, s'inspire de L'empire des Lumières (1954) de René Magritte pour magnifier un sujet des plus prosaïques: la bâtisse éclairée de toilettes publiques sur le bord d'une aire d'autoroute...

John Atkinson Grimshaw

A l'instar de son compatriote, le peintre de l'époque victorienne John Atkinson Grimshaw (1836-1893), George Shaw est sensible aux variations de la lumière et aux différences chromatiques selon les heures de la journée. La couleur des ciels varie du bleu cyan au gris taupe en passant par le beige et le rose pâle... On ne sait si la nuit vient de tomber ou si le soleil est sur le point de se lever.

Un arc-en-ciel sert de trait d'union entre un duo de peintures qui dévoile la vue de la chambre qu'occupe l'artiste lorsqu'il séjourne à Tile Hill. Les pavillons avoisinants sont situées en lisière de forêt, forêt qui a inspiré la série de toiles et de dessins à l'aquarelle réalisée lors de sa résidence à la National Gallery à Londres. On peut découvrir certains desdits dessins dans l'exposition qui nous occupe.

Les lieux inhabités invitent le visiteur à se projeter dans les décors mélancoliques. Le plan ressérré d'un appartement, dont l'unique fenêtre est occultée par la croix de saint Georges du drapeau anglais, semble faire allusion au risque d'aveuglement et de repli sur soi qu'engendre fatalement le nationalisme.

George Shaw, The Man Who Would Be King, 2017, humbrol enamel on canvas, 46 x 55 cm. Image courtesy the artist and Galerie Maruani Mercier

George Shaw, The Man Who Would Be King, 2017, humbrol enamel on canvas, 46 x 55 cm. Image courtesy the artist and Galerie Maruani Mercier

L'exposition illustre le sens aigu de l'observation et l'attachement sentimental que George Shaw éprouve pour le quartier de son enfance et son exploration urbaine est tant spatiale que temporelle. 
 

George Shaw, 'The Lost of England', Galerie Maruani Mercier, 430 Avenue Louise, B-1050, Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 3 octobre 2017.

Copyright © 2017, Zoé Schreiber