Thomas Struth, Galerie Greta Meert

Pour fêter ses 30 ans d'activité, Greta Meert a choisi de mettre à l'honneur le photographe allemand Thomas Struth (qui avait inauguré la galerie en 1988) en lui offrant une nouvelle exposition personnelle, la huitième. 

Aujourd'hui mondialement connu, Thomas Struth (1954-) réalise ses images à la chambre photographique. Cet appareil confère à ses tirages monumentaux une profondeur de champ exceptionnelle et une grande netteté. L'exposition occupe les trois étages de la galerie et permet de (re)découvrir les œuvres phares de l'artiste mais aussi de se familiariser avec ses travaux les plus récents. 

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Si la démarche artistique de Thomas Struth s'apparente à celle de "l'école du regard" de Bernd (1931-2007) et Hilla Becher (1934-2015) dont il a été l'élève à la Kunstakademie de Düsseldorf (séries thématiques, réalisme et neutralité des sujets photographiés, attention au détail et frontalité du cadrage), ses clichés se démarquent du mouvement de la photographie dite objective dans la mesure où il les investit d'un contenu symbolique et social. Photographier est pour lui "essentiellement un processus intellectuel pour comprendre les gens, les lieux, leur histoire et leurs liens phénoménologiques." 

Au troisième étage de l'espace d'exposition, une trentaine de clichés emblématiques (datant des années 70-80) sur l'architecture des villes et des banlieues: les rues et places désertes de Naples, Rome, Düsseldorf, New York et Tokyo sont offertes à notre regard. Réalisées au petit matin, ces photographies en noir et blanc proposent une représentation de la ville où l'homme est absent. Les œuvres exposées sont dépeuplées mais elles sont remplies d'humanité et nous encouragent à méditer sur la façon qu'a l’architecture d'absorber et de retenir l’histoire… L’absence de présence humaine cumulée à l'uniformité du ciel et des conditions météorologiques permettent à Thomas Struth de disséquer chaque détail de l'espace urbain pour mieux en révéler les singularités et de mettre ainsi en lumière ce qu'il appelle les "lieux de l'inconscient". 

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Autre atmosphère au rez-de-chaussée... L'impression d'être propulsé dans le temps, dans une réalité alternative, nous envahit face aux cinq photographies de très grand format. Immersives, ces images sont intimidantes voire anxiogènes. A l’instar du travail du photographe américain Lewis Baltz, que d'aucuns d'entre vous ont peut-être découvert au MAC's du Grand Hornu au printemps dernier (Sites of Technology, 1989-91), Thomas Struth pousse la porte d'espaces qui ne sont d'habitude pas accessibles au public (Johnson Space Center de la NASA à Houston, laboratoires d'essais de Siemens à Berlin...). L’éclairage artificiel, l'entrelacement de fils électriques colorés, de tuyaux, de circuits et de câbles révèlent les organismes internes de sites techno-scientifiques. Thomas Struth nous incite à réfléchir sur les relations que nous entretenons avec les sciences et les technologies de pointe et attire notre attention sur la complexité des structures cachées de contrôle et d'influence... Comme il l’explique: "Depuis la fin des années 60, si la technologie a de plus en plus d'incidence sur nos vies, elle devient aussi de plus en plus opaque et invisible..." 

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Enfin, les photographies exposées au deuxième étage nous invitent à regarder la mort en face. Les cadavres d'animaux mis en scène dans cette toute nouvelle série (2016-) ont été immortalisés à l'Institut Leibniz de recherche en zoologie et en faune sauvage de Berlin. Ces clichés s'apparentent aux natures mortes de la Renaissance et semblent défier la gravité... Mort de cause naturelle, comme l'indique une notice à l'entrée de la salle, chaque animal a l'apparence du vivant et le rendu est à la fois sublime et troublant. L'artiste dit avoir "tenté de représenter les animaux de la façon la plus belle et la plus digne". La série, qui n'est pas sans rappeler le travail du photographe français Eric Poitevin, s’inscrit dans la tradition picturale du memento mori dont l'objectif est d'amener le spectateur à se souvenir de sa propre mortalité. Thomas Struth, qui, avant d'être photographe s'était essayé à la peinture sous l'égide de Gerhard Richter, revisite ce genre de l'histoire de l'art et continue à approfondir le dialogue entre photographie et peinture initié lors de sa série sur les musées (Museum Photographs). 

Dans ses mains, l’appareil photo devient un outil d'observation analytique. L'exposition montre, si besoin est, que Thomas Struth n'a de cesse de brouiller les pistes entre la photographie documentaire et conceptuelle, entre la rigueur de la "vérité" et le regard subjectif qu'il porte sur le réel.

 

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, Rue du Canal 13, B-1000 Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 31 mars 2018.

Copyright © 2018, Zoé Schreiber