'Melancholia', Fondation Boghossian, Villa Empain

© Claudio Parmiggiani,  Senza Titolo, 2009  Image courtesy: Fondation Boghossian

© Claudio Parmiggiani,
Senza Titolo, 2009
Image courtesy: Fondation Boghossian

L’exposition pluridisciplinaire que nous propose la Fondation Boghossian part du postulat que la mélancolie est un terreau propice à la création et nous invite à découvrir le travail d’une quarantaine d’artistes belges et internationaux qui ont illustré cette thématique dans leur pratique artistique. Intitulée Melancholia, l'exposition explore comment ils ont décliné la manifestation de cette humeur noire censée engendrer tristesse, vague à l'âme et morbidité.

Organisé de façon thématique en six sections distinctes (Le Paradis Perdu, Mélancolies, Ruines, Le temps qui passe, Solitude et Absence), le parcours s’égrène au fil des salons, salles et chambres de la Villa Empain, l’un des chefs-d’œuvre de l’architecture Art Deco bruxelloise. La disparition, le temps, l'histoire et la mémoire constituent les champs d'interrogations primaires des plasticiens exposés.

L’accrochage et les installations sont rythmés à l'aune de citations de poètes et d'écrivains qui étayent les multiples interprétations du "spleen". Couvrant plus de 150 ans d’histoire, les œuvres dialoguent entre elles et s’inscrivent dans différents courants artistiques: le symbolisme et le surréalisme, l'expressionnisme flamand, le mouvement Fluxus ou encore l'Arte Povera pour ne citer qu’eux.

A peine passé le seuil de la Villa, une première citation du philosophe danois Sören Kierkegaard ("Je n’ai qu’un seul ami, Echo; / et pourquoi est-il mon ami? Parce que j’aime ma tristesse et qu’il ne me l’enlève pas. / Je n’ai qu’un seul confident, le silence de la nuit; / et pourquoi est-il mon confident? / Parce qu’il se tait") sert de mise en bouche et plonge le visiteur dans une atmosphère méditative. Place ensuite à l’impressionnant monticule de têtes décapitées d’inspiration antique de Claudio Parmiggiani, (Senza Titolo, 2013-2015). Amoncelées les unes sur les autres, ces têtes en marbre évoquent les vestiges de l’antiquité mais aussi le passage du temps et la mort. Plus loin, la bibliothèque de livres en verre diaphane et les photographies noir et blanc de Pascal Convert développent la problématique de l’oubli et de la destruction du patrimoine culturel. Sa série Falaise de Bâmiyân (2017) documente les restes de trois statues monumentales de Bouddhas sculptées en Afghanistan entre 300 et 700 après J-C, détruites et arrachées de la falaise par les talibans en 2001.

A l’étage, Farah Atassi recouvre ses toiles abstraites d’aplats de couleurs aux formes géométriques quasi-figuratives, inspirées tant par le cubisme que par les arabesques et les hiéroglyphes. Samuel Yal fragmente un visage en une myriade de morceaux en porcelaine (Dissolution, 2012), tandis que les autoportraits iconiques de Giuseppe Penone et de Joseph Beuys renvoient à l’introspection et au tempérament saturnien de certains artistes… On croise moults figures solitaires au fil des salles, celles qui peuplent les toiles de Giorgio de Chirico, de Paul Delvaux ou encore de Léon Spilliaert mais aussi une figure filiforme de Giacometti et toutes évoquent à la fois l’isolement, le vertige et la nostalgie.

Les œuvres présentées dans la chambre d’amis décrivent le passage du temps. Constituée de 125 galets ramassés sur une plage en Grèce, l’installation de Lionel Estève (La Beauté d’une Cicatrice, 2012) qui évoque l’évaporation d’un cours d’eau côtoie une photographie d’un îlot désert de Melik Ohanian (Selected recordings n°99, 2003) et un paysage graphique et épuré dessiné à main levée en deux trois traits par Etel Adnan (Soleil sur le Mont Tamalpais, 2016). Paysage réel et paysage mental se confondent et le temps s’étend à l’infini si le visiteur s’immerge dans l’enregistrement du poème sonore One Million Years (Past and Future), 1969-2000), la célèbre œuvre d’On Kawara. 

Melancholia, Fondation Boghossian, Villa Empain, Lionel Estève et Melik Ohanian, vue d'exposition. Image courtesy: Fondation Boghossian © Lola Pertsowsky

Melancholia, Fondation Boghossian, Villa Empain, Lionel Estève et Melik Ohanian, vue d'exposition. Image courtesy: Fondation Boghossian © Lola Pertsowsky

Dans un autre salon, une sculpture en aluminium de El Anatsui (Wastepaper bag, 2003) jouxte l'énigmatique photographie d’une forteresse en ruine capturée par Geert Goiris (Liepaja, 2004).

Melancholia, Fondation Boghossian, Villa Empain, El Anatsui et Geert Goiris, vue d'exposition. Image courtesy: Fondation BoghossianImage courtesy: Fondation Boghossian © Lola Pertsowsky

Melancholia, Fondation Boghossian, Villa Empain, El Anatsui et Geert Goiris, vue d'exposition. Image courtesy: Fondation BoghossianImage courtesy: Fondation Boghossian © Lola Pertsowsky

Enfin, dans le jardin, l’installation de Christian Boltanski (Animitas (2016-2018)) s’anime au moindre souffle de vent et le tintillement des clochettes japonaises et plaques en verre qui la composent nous rappelle que derrière chaque absence se cache une présence…

Melancholia, Fondation Boghossian, Villa Empain, Christian Boltanski, vue d'exposition. Image courtesy: Fondation Boghossian © Lola Pertsowsky

Melancholia, Fondation Boghossian, Villa Empain, Christian Boltanski, vue d'exposition. Image courtesy: Fondation Boghossian © Lola Pertsowsky

L'exposition corrobore le constat de Théophile Gauthier selon lequel: "la mélancolie nuageuse du Nord n'est rien à côté de la lumineuse tristesse des pays chauds." Je vous invite à aller à la découverte des oeuvres exposées à la Villa Empain et à vous laisser emporter par celles qui feront écho chez vous à ce sentiment universel.

Melancholia, Fondation Boghossian, Villa Empain, 67 Avenue Franklin Roosevelt, B-1050 Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 19 août 2018. 


Evènements à venir dans le cadre de l'exposition:
* Geert Goiris: Un conversation avec Sam Steverlynck
Mercredi 2 mai 2018, à 19h
* Pascal Convert: une conversation avec Philippe Dagen et Yves Ubelmann
Jeudi 31 mai 2018, à 19h

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