Richard Phillips, Galerie Almine Rech

L'exposition éponyme Richard Phillips présentée à la Galerie Almine Rech permet de découvrir les nouvelles toiles du peintre américain.

Elaborées à partir de réinterprétations de photographies, les oeuvres proposées se démarquent nettement, par leur sujet, par leur imagerie graphique et par leurs couleurs pop, des peintures lisses et hyperréalistes de célébrités et autres icônes médiatiques sur lesquelles l'artiste se penche à l'accoutumée.

Plusieurs séries de travaux sont exposées et je me contenterai ici de vous en présenter deux. 

Richard Phillips, Galerie Almine Rech, vue partielle de l'expositon

Richard Phillips, Galerie Almine Rech, vue partielle de l'expositon

Dans une des séries, Richard Phillips retravaille des photographies de sculptures "néoclassiques" qui ornent le Pallazo della Civiltà Italiana et le Foro Italico (deux monuments qui se situent dans le quartier de la Cité de l'Exposition Universelle à Rome et qui ont été commandités par Benito Mussolini pour l'Exposition Universelle de 1942 et les Jeux Olympiques de 1944, événements qui ont tous deux été annulés).

Pour créer ces œuvres d'un genre nouveau, Richard Phillips a choisi de placer dans un premier temps du vinyle adhésif sur le fondu multicolore de ses toiles, de le découper ensuite au scalpel et de le retirer par endroits afin de créer un effet tramé… Le léger relief des tableaux, qui pourraient de prime abord paraître digitalisés, retranscrit en peinture la qualité sculpturale des photographies.

Richard Phillips, Rome, 2016

Richard Phillips, Rome, 2016

L'artiste crée un contraste déroutant en juxtaposant la saturation "pop" et séduisante de ses peintures à l'idéologie totalitaire des sculptures photographiées. Il détourne de façon parodique certes mais ambigüe l'iconographie fasciste et je ne peux m'empêcher de m'interroger sur ses intentions...

En présentant hors contexte ces images de propagande d'hier, Phillips semble vouloir tester le pouvoir de séduction qu'elles exercent aujourd'hui et vouloir encourager le visiteur à s'interroger sur les rouages de la culture visuelle fasciste. A titre d'exemple, la disproportion entre l'homme et l'animal et les décalages d'échelle (les hommes musclés dénudés sont presque aussi grands que leurs chevaux) renvoient à la volonté du régime de Mussolini de concilier tradition romaine et modernisme, d'exalter la nation en évoquant un passé glorifié...

A l'heure de la montée des populismes et du nationalisme, ce processus de décodage des discours véhiculés par les images de propagande est d'actualité. Comme l'explique Richard Phillips dans un article du magazine Wallpaper*: "Je me suis rendu compte que le potentiel de ces images était énorme, et que peindre ces sculptures résolument anti-modernistes était opportun aujourd'hui."

Richard Phillips, As Yet Titled (Red Portrait), 2016

Richard Phillips, As Yet Titled (Red Portrait), 2016

Richard Phillips, Galerie Almine Rech, vue partielle de l'exposition

Richard Phillips, Galerie Almine Rech, vue partielle de l'exposition

Dans une autre série de peintures, Richard Phillips utilise une technique similaire pour recréer des détails de photographies issues de catalogues d'expositions d'oeuvres de Cy Twombly, un artiste américain disparu en 2011 qui a longtemps vécu à Rome et dont le travail est mis à l'honneur, jusqu'au 24 avril, dans une splendide rétrospective au Centre Pompidou à Paris.

En isolant des fragments des peintures de Twombly, Phillips tend vers l'abstraction et magnifie l'infiniment petit pour rendre hommage à l'énergie créatrice du pinceau de son compatriote…

Richard Phillips, MMXVII, 2016

Richard Phillips, MMXVII, 2016

L'exposition de Richard Phillips est tonique et ses grandes toiles colorées constituent, pour celles et ceux qui connaissent son travail, un virage radical et surprenant... Affaire à suivre...

 

Rue de l'Abbaye 20, 1050 Ixelles, Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 25 février 2017.

Copyright © 2017, Zoé Schreiber