Maria Thereza Alves, 'The Flood', Galerie Michel Rein

La galerie Michel Rein nous invite à aller à la rencontre du travail de l'artiste brésilienne Maria Thereza Alves (née en 1961). Lauréate du Vera List Center Prize for Art and Politics (2016-2018) pour son projet Seeds of Change, cette artiste engagée, exilée avec sa famille proche aux Etats-Unis pendant les années de dictature militaire et qui vit aujourd'hui à Berlin, a co-fondé le Partido Verde brésilien (parti des Verts) en 1981 et est impliquée dans la protection des droits des peuples autochtones. Elle utilise sa pratique artistique pour révéler la face cachée des oppressions et promouvoir l'avancement de la justice sociale. Son travail protéiforme se nourrit à la fois de recherches extensives et d'expériences personnelles.

Intitulée The Flood, l'exposition présentée prend pour point de départ l'inondation du village dont est originaire sa famille et permet à Maria Thereza Alves de dénoncer et de critiquer, avec sensibilité et poésie, l'impact pernicieux que des pratiques héritées du colonialisme ont sur l'environnement. L'interaction formelle entre aquarelles, textes et objets divers qu'elle nous propose reflète son souci d'éveiller chez le visiteur une prise de conscience sociale et écologique.

Maria Thereza Alves, The Flood, 2016, painting watercolour on paper, 32 x 24 cm Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

Maria Thereza Alves, The Flood, 2016, painting watercolour on paper, 32 x 24 cm
Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

Maria Thereza Alves, 'The Flood', 2017, Galerie Michel Rein, vue d'exposition Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

Maria Thereza Alves, 'The Flood', 2017, Galerie Michel Rein, vue d'exposition
Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

A peine franchie la porte de la galerie, le regard se pose sur une barque miniature en bois coloré. Accrochée au mur adjacent, une toile à l'orange tonique côtoie des peintures à l'aquarelle qui illustrent la submersion des terres. Sur des panneaux roses placés à même le sol, une poupée Barbie, une figurine de tigre ou encore un nid de termites... A côté, des os de bovins, une casserole en cuivre et même les composants mécaniques d'un fusil que l'artiste a hérité de sa mère.

Les objets hétéroclites et a priori sans rapport les uns avec les autres et les tableaux aux couleurs assourdies sont chaque fois accompagnés de textes en prose écrits à la main d'une toute petite écriture qui impose que l'on se rapproche pour la déchiffrer. Le visuel et le textuel se répondent et conversent entre eux. Si le regard s'arrête sur les objets et les tableaux, la lecture des textes (rédigés en anglais) permet au spectateur de glaner des informations supplémentaires et d'ouvrir sa réflexion. 

Maria Thereza Alves, 'The Flood', 2017, Galerie Michel Rein, vue d'exposition Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

Maria Thereza Alves, 'The Flood', 2017, Galerie Michel Rein, vue d'exposition
Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

Maria Thereza Alves, 'The Flood', 2017
Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

L'approche de Maria Thereza Alves s'assimile à une démarche ethnographique. Elle s'intéresse aux histoires individuelles et au quotidien des habitants du village inondé afin de mieux nous aider à les comprendre. Rapportés à la première personne du singulier, les récits donnent la parole aux différents membres de sa famille (sa mère, son père, son oncle, sa grand-mère...). Les témoignages dessinent par petites touches impressionnistes les expériences de vie quotidienne des individus de cette communauté et nous racontent comment est perçue la déforestation progressive des terres et comment est vécu le brassage des différentes cultures et croyances religieuses. L'artiste réussit ainsi à témoigner le plus fidèlement possible de la réalité telle qu'elle est perçue par le groupe lui-même. 

On comprend ainsi que l'élevage intensif du bétail est l'une des causes principales des problèmes environnementaux, que le piétinement répété des terres déboisées exacerbe l'instabilité du sol et le rend vulnérable aux inondations... Une photographie sur aluminium fait apparaître en négatif la scarification du paysage.

Maria Thereza Alves, 'The Flood', 2017, Galerie Michel Rein, vue d'exposition Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

Maria Thereza Alves, 'The Flood', 2017, Galerie Michel Rein, vue d'exposition
Courtesy The Artist and Michel Rein Paris/Brussels

Vous l'aurez compris, résumer The Flood n'est pas chose aisée dans la mesure où cela m'amènerait immanquablement à réduire voire à cantonner l'exposition à ma propre lecture. Je ne peux que vous encourager à pousser la porte de la galerie et à demander que l'on vous "initie" aux thématiques abordées par Maria Thereza Alves. Artiste conceptuelle, son oeuvre, aussi intime qu'engagée, nous montre une fois encore qu'il peut y avoir un lien entre art et politique. En nous racontant l'histoire de son village, elle donne voix au chapitre aux oubliés de la petite histoire et à ceux qui pourraient peut-être un jour exercer un contrepoids.


Maria Thereza Alves, The Flood, Galerie Michel Rein, 51A rue Washington, B-1050 Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 23 décembre 2017. 

Copyright © 2017, Zoé Schreiber


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